Jusqu’à présent, on pensait que seuls deux types de cellules peuplaient notre cerveau : les neurones qui traitent et transmettent les informations dans le corps, et les cellules gliales qui regroupent différents types de cellules, dont les astrocytes. “Ils jouent un rôle crucial dans le fonctionnement du système nerveux central,” souligne Ludovic Telley, chercheur à l’Université de Lausanne (Suisse), pour Sciences et Avenir. Une nouvelle étude, dont il est co-auteur, révèle l’existence d’une cellule "hybride", à mi-chemin entre le neurone et l’astrocyte chez les souris. Comme le neurone, cet astrocyte spécialisé pourrait libérer des neurotransmetteurs, molécules informatives. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature.
Les astrocytes, soutien des synapses
Les cellules gliales constituent au moins 50% des cellules cérébrales. Parmi elles, les astrocytes, dont le nom fait référence à leur forme étoilée, enveloppent intimement les synapses : “La synapse est une zone essentielle dans la circulation de l’information dans le corps puisqu’il s’agit du point de contact entre deux neurones ou un neurone et une autre cellule", note Andrea Volterra, co-auteur de l’étude, pour Sciences et Avenir. En effet, c’est au sein des synapses que les neurotransmetteurs sont relâchés pour faire passer l’information d’une cellule à l’autre. Depuis vingt ans, certains neuroscientifiques pensent que la présence d’astrocytes dans ces points stratégiques n’est pas un hasard et qu’ils pourraient jouer un rôle actif dans la transmission synaptique. Mais jusqu’alors, il n’avait pas été démontré, et ne faisait donc pas consensus.
La transmission synaptique
Les synapses permettent de transmettre un signal nerveux d’un neurone à l’autre. La cellule pré-synaptique, qui émet l’information, contient des vésicules pleines de neurotransmetteur (voir le schéma ci-dessous). Lorsqu’un influx nerveux la traverse, il déclenche la libération des neurotransmetteurs dans un petit espace, la fente synaptique, qui la sépare de la cellule réceptrice, appelée post-synaptique. "Au niveau de la membrane de la cellule post-synaptique, les neurotransmetteurs libérés trouvent des récepteurs spécifiques auxquels ils se fixent, comme des clés dans des serrures", illustre Andrea Volterra. Ces récepteurs acheminent l’information véhiculée par le neurotransmetteur, dans la cellule réceptrice. "Toute cette séquence d’évènements prend un temps minime, de l’ordre de quelques millisecondes", ajoute le neuroscientifique.
Schéma d'une synapse. Crédits : AMANDINE WANERT / BSIP via AFP
"Nous les avons baptisés : astrocytes glutamatergiques"
"On savait que les astrocytes émettaient des molécules utiles pour les synapses, et même des molécules similaires aux neurotransmetteurs, mais disposaient-ils d’une sécrétion vésiculaire, c'est-à-dire une machinerie aussi raffinée et rapide que celle des neurones pour assurer le passage de l’information ? Tel était le débat", éclaire Andrea Volterra. D’autant plus que les astrocytes ne sont pas parcourus par des influx nerveux. Or ce sont eux qui déclenchent la libération des neurotransmetteurs dans le cas des neurones.
Le premier objectif pour les neuroscientifiques était donc de démontrer la présence de vésicules à l’intérieur de ces astrocytes. Les techniques modernes de biologie moléculaire leur ont permis de prouver l’existence de protéines vésiculaires, qui sont à l’origine des vésicules, au sein des astrocytes. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence la présence de vésicules spécifiques à un neurotransmetteur bien connu : le glutamate. "C’est le principal neurotransmetteur excitateur du cerveau. Il joue un rôle essentiel dans la transmission synaptique et la plasticité neuronale", indique Ludovic Telley. D’après les résultats de cette étude, une fraction des astrocytes de notre cerveau possède une identité hybride. Ils sont donc capables de sécréter du glutamate, à une vitesse similaire à celle des neurones : une dizaine voire une centaine de millisecondes. "Nous les avons baptisés : astrocytes glutamatergiques".
Des cellules protectrices
Restait à déterminer la fonction précise de ces cellules. Pour cela, les chercheurs ont inhibé la production de la protéine à l’origine des vésicules. Résultat ? Ces astrocytes contrôlent le niveau d’excitation des neurones. "Ils auraient notamment un effet protecteur contre les crises d’épilepsies", développe Ludovic Telley. Et ce n’est pas tout. Ils seraient également essentiels à la consolidation de la mémoire. "Lorsqu’on inhibait le fonctionnement des astrocytes, les souris ne se souvenaient pas bien de ce qu’elles avaient appris la veille", ajoute Andrea Volterra.
L’analyse bio-informatique des bases de données existantes a permis aux chercheurs de vérifier la présence de ces astrocytes chez l’humain. Prochaine étape : déterminer si cette population d'astrocytes glutamatergiques est altérée chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer par exemple. "Une fois établi un rôle dans des pathologies spécifiques, nous pourrons concevoir des stratégies thérapeutiques pour cibler cette population de cellules et augmenter ou diminuer sa fonction", conclut Ludovic Telley. Si ces perspectives sont actuellement à l’état de projet, les neuroscientifiques ont espoir de les voir se concrétiser au cours de futures recherches.
source : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/decouverte-d-un-nouveau-type-de-cellules-dans-le-cerveau_174035